Par Alexandre Arditti

C’est l’unique palace de la Rive Gauche. Inauguré en grandes pompes en 1910, le Lutetia n’est pas un hôtel comme les autres : son histoire épouse celle de la capitale. Rendez-vous du tout-Paris de la culture et de la politique jusqu’aux prémices de la Seconde Guerre Mondiale, il est ensuite réquisitionné – d’abord comme siège de la Gestapo, puis comme lieu d’accueil pour les déportés et leurs familles – avant de renaître de ses cendres et redevenir, pendant toute la seconde moitié du XXème siècle, « the place to be » de l’intelligentsia française et internationale. Après quatre ans de travaux d’envergure, le Lutetia rouvre ses portes, plus magnifique que jamais, avec ce petit supplément d’âme qui fait de cet hôtel chargé d’histoire, un joyau du patrimoine national.

Tous les parisiens vous le diront : le Lutetia, c’est d’abord cette façade unique en son genre, qui ondule telle une vague en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés. Véritable ovni en matière d’architecture, avec ses balcons, ses corniches et ses balustres ornées de petits anges et de grappes de raisin, l’hôtel est le témoin privilégié de l’histoire du XXème siècle, à mi-chemin entre Art Nouveau et Art Déco,

Un palace chargé d’histoire

Hommage à Lutèce, l’ancienne capitale romaine de qui il tient son nom, et trônant fièrement dans un quartier traditionnellement fréquenté par les artistes, le Lutetia s’est dès sa création imposé comme le rendez-vous incontournable des intellectuels parisiens. Dès les années 1920 et au fil des époques, les personnalités de renom s’y fréquentent, à commencer par de grandes figures de la littérature comme André Gide, Albert Cohen, Antoine de Saint-Exupéry, Albert Camus, Paul Morand sans oublier Jean-Paul Sartre. Mais les politiques ne sont pas en reste puisque c’est ici que le Général de Gaulle passa sa nuit de noces en 1921, ici aussi que bien plus tard, Georges Pompidou, François Mitterrand ou Jacques Chirac auront leurs habitudes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme tous les hauts-lieux et autres palaces de la capitale, l’hôtel est réquisitionné. À la fin du conflit, le Lutetia accueille les déportés et leurs familles venues les retrouver. Une plaque est aujourd’hui scellée sur sa devanture pour ne jamais oublier.

Une renaissance placée sous le signe de l’émotion

C’est au célèbre architecte Jean-Michel Wilmotte, qu’est revenue la délicate mission de ressusciter ce mythe de l’hôtellerie parisienne en le faisant entrer dans le XXIème siècle, tout en conservant l’âme, l’émotion et la magie des lieux. Premier chantier : le nombre des chambres a également été ramené de 233 à 184, afin de créer 47 magnifiques suites dont 7 suites Signature, et s’inscrire ainsi dans les nouveaux codes de l’hôtellerie de luxe. Spacieuses et on ne peut plus confortables, place ici au mobilier Art Déco dessiné par Jean-Michel Wilmotte, aux tons bleus et grèges, aux appliques en verre de Murano, aux parquets foncés et autres portes en bois d’eucalyptus sans oublier les superbes salles de bain en marbre blanc. Baignées de lumière extérieure, elles sont par ailleurs équipées de tablettes numériques qui commandent l’éclairage et la température dans chaque pièce.

A l’occasion de cette rénovation, la fine fleur des métiers d’art a participé à la rénovation des vitraux, des peintures décoratives, des fresques, des mosaïques, des sculptures… « Nous nous sommes aperçus que, sous des dizaines de couches de peinture, il y avait des fresques de très grande qualité́. Nous les avons dégagées, grattées, et nous les avons fait réapparaitre. C’est comme si nous avions retrouvé un morceau d’histoire du bâtiment de 1910. » s ‘émerveille Jean-Michel Wilmotte. Un peu partout dans l’hôtel, une foule de petits coins cosy, depuis la patio Art Déco à ciel ouvert jusqu’à la bibliothèque ultra cosy, permettent de s’isoler ou de changer d’ambiance au gré de ses envies, sans jamais quitter le cocon. Au Bar Joséphine, largement ouvert sur l’extérieur et la vie parisienne grâce à de vastes et lumineuses baies vitrées, il aura fallu près de 17 000 heures de travail pour restaurer la fresque emblématique signée Adrien Karbowsky, découverte sous six couches de peinture et rendant hommage au jardin de l’Abbaye-aux-Bois, sur lequel fut construit le Lutetia. Mais il faudra beaucoup moins de temps pour déguster l’un des cocktails signature du talentueux mixologiste Nicolas Barrafarano, ou pourquoi pas une coupe de champagne de la cuvée Lutetia spécialement élaborée par la maison Taittinger.

Une gastronomie de haute volée

Qui dit palace, dit gastronomie d’exception. Largement fréquentés par les parisiens comme par les touristes du monde entier venus passer un moment dans un cadre mythique si représentatif de l’art de vivre à la française, le Lutetia met les petits plats dans les grands pour que chacun puisse céder à la tentation sous la houlette du Chef 3 étoiles Gérald Passédat. Au Saint-Germain, l’ancien jardin d’hiver du Lutetia, abrité par une belle verrière typique de Gustave Eiffel qui fut associé à la construction de l’hôtel au début des années 1900, on déguste quelques classiques librement inspirés par l’Asie dans une atmosphère résolument conviviale. A la Brasserie, Gérald Passédat laisse libre court à son imagination tout droit venue de Méditerranée, avec en prime discrètement installée au fond de la salle l’ingénieux Sea Bar, où les amateurs de gastronomie de la mer pourront s’en donner à cœur joie avec par exemple le menu en sept paliers, où le voyage gustatif tient toutes ses promesses. L’occasion de découvrir ici mille et un préparations et saveurs nouvelles autour de poissons et crustacés de Méditerranée, arrosées de quelques crus du Sud dont le sommelier a le secret. Enfin l’Orangerie

Si le Lutetia est encore loin de nous livrer tous ses secrets, son Spa Akasha n’est pas le moindre de ses atouts, notamment grâce sa spectaculaire piscine, plantée dans un décor minimaliste et lumineux, sans aucun doute l’une des plus belles piscines de la capitale avec ses 17 mètres. Inspiré par les quatre éléments (air, eau, terre, feu) et une approche holistique des soins, il offre une carte de soins et massages du monde très complète faisant appels aux produits et protocoles Carita, CellCosmet et Aromatherapy Associates.

Last but not least, la suite terrasse « Francis Ford Coppola », du nom du célèbre réalisateur américain qui a contribué à sa décoration en y déposant moults objets personnels (photos de tournage, caméras…), vous attend au dernier étage de l’hôtel, avec en prime un vaste toit-terrasse avec vue imprenable sur les toits de la capitale, où vous pourrez dîner sous les étoiles dès les beaux jours venus. Enfin, si le « maestro » n’y est pas déjà installé puisqu’il y a ses habitudes lors des ses fréquents séjours parisiens !