Par Christiane Calonne

Hors saison, la Sicile est encore plus belle. Au volant d’une Fiat 500 d’époque, cette voiture mythique et typique de l’Italie heureuse, la découverte de cette île volcanique est une aventure à part entière. Un moment privilégié durant lequel on se perd avec délice sur les petites routes sinueuses, depuis Taormine jusqu’aux villages de Savoca ou de Forza d’Agro, sur les traces du Parrain – alias Don Vito Corleone – icône mythique de tout cinéphile amateur ou plus assidu. En route pour la Dolce Vita en version sicilienne !

« Un homme n’aurait à passer qu’un jour en Sicile et me demanderait : – Que faut-il y voir ? – je lui répondrais sans hésiter : Taormine » disait Maupassant au retour d’un de ses voyage à la fin du XIXème siècle. « Ce n’est rien qu’un paysage, poursuivait il, mais un paysage où l’on trouve tout ce qui semble fait sur la terre pour séduire les yeux, l’esprit et l’imagination. » A cette époque, on savait prendre le temps. Pour découvrir la Sicile – la plus grande île de la Méditerranée – les moyens de transport étaient jadis limités. Seules des carrioles à cheval sillonnaient les petites routes escarpées des paysages torturés des alentours de l’Etna. Qu’aurait dit ce cher Maupassant, si lors de son séjour à Taormine, il lui avait été proposé, pour changer un peu, de circuler à bord d’une petite Fiat 500 de collection ?

Découvrir les beautés de la Sicile au volant d’un petit bolide vintage…

Le Grand Hôtel Timeo, sur les hauteurs de la ville, et la Villa Sant Andrea, nichées dans son adorable petite baie – tous deux membres de la prestigieuse chaîne hôtelière Belmond – proposent en effet à leur clientèle une escapade amusante à bord d’une petite « machina » légendaire des année 50. Jadis, les Italiens profitaient de leur week-end sur la côte à bord de leur mythique Fiat 500, idéale pour se faufiler sur les routes et dans les petites ruelles. Synonyme d’évasion et de détente, se promener à bord de cette petite voiture vintage est l’occasion unique de s’approprier les paysages sublimes de mer et de montagne, en prenant le temps de s’arrêter quand il le faut lors de petites pauses culturelles, gastronomiques ou artistiques. Faisant appel à de véritables passionnés, à d’incroyables collectionneurs, les petits bolides sont toujours dans un état de marche irréprochable au vu de leur grand âge, apportant aux passagers une délicieuse source de plaisir et d’adrénaline… Pour le coup de la panne, on repassera !

 

Le soleil se lève très tôt à l’est de la Sicile, réveillant doucement la Villa Sant Andréa. Dans cet hôtel plein de charme, le petit déjeuner aurait tendance à accaparer l’amateur de douceurs matinales un peu trop longtemps… mais il ne faut pas tarder. Giovanni, sourire aux lèvres dès potron-minet, attend déjà devant la réception avec son véhicule reluisant de toutes parts : une superbe petite Fiat 500 toute rouge que l’on croirait sortie le matin même de l’usine, et qui a pourtant vu le jour en 1969 ! Si de l’extérieur elle paraît minuscule, à l’intérieur, finalement, il est facile de caser trois personnes sans problème : le chauffeur, le co-pilote et un passager sur la banquette arrière, pas si mal installés que cela. Elle a vraiment tout d’une grande cette petite ! Ce charmant sicilien, faisant partie du club des « Fiat Cinque Cento », en possède pas moins de 5, et son club pas moins d’une quarantaine.

A la découverte de Forza d’Agro et de Savoca, les villages des Corleone…

L’aventure va être des plus intéressantes, Giovanni ne parle ni français, ni anglais… Allons y donc pour l’italien ! Le choix de l’escapade du jour s’est arrêté sur le thème du « Parrain », les deux autres proposées par les hôtels s’intéressant aux « Routes Viticoles de l’Etna » et au « Tour Montalbano », inévitable pour les adeptes de la série policière italienne. Francis Ford Coppola, réalisateur du film mythique en trois volets avait, en effet, posé ses caméras à deux pas de Taormina, en choisissant comme décor deux très beaux villages : Forza d’Agro et Savoca. Avant de grimper vers ces bourgades authentiques, la route serpente le long de la mer qui, par moment, joue avec des bleus profonds ou des turquoise très cristallins.

 

Tout à coup, la côte s’éloigne. L’ascension va se faire à un rythme inhabituel. Des 70 km/h sur terrain plat, l’aiguille du compteur descend petit à petit pour permettre au véhicule d’aborder sans problème les côtes abruptes et les virages en épingles à cheveux. Quel bonheur de « bourlinguer » à cette nouvelle allure de croisière ! On oublie immédiatement le rythme du XXIème siècle pour prendre le temps d’observer tout ce qui se passe aux alentours. Même si le soleil tape assez fort sur le petit « pot de yaourt » rouge qui grignote pas à pas le bitume, la nature est curieusement verdoyante et les arbustes pointillent le paysage de mille couleurs vives, des bougainvilliers fuchsias aux genêts éclatants. Au détour d’un virage, une église, bien campée sur sa colline, annonce l’arrivée à Savoca. Sur la petite place du village, tout a l’air paisible, d’un autre temps. D’un côté, la vue est grandiose sur la vallée qui déboule à toute vitesse vers la mer alors que de l’autre côté, le Bar Vitelli laisse échapper, depuis sa tonnelle, quelques notes bien reconnaissables : « Parle plus bas, car on pourrait bien nous entendre… » Qui ne connaît pas la BO du « Parrain » ? Sur la place du village, le bar n’a pas changé depuis le tournage du premier volet de ce film, il y a presque 50 ans ! C’est là qu’ont eu lieu les scènes du mariage de Michael Corleone avec la belle Apollonia. Dans le film, le père de la mariée est le patron du bar Vitelli. Le « vrai », celui d’aujourd’hui a accroché au mur la photo de sa rencontre avec « Il Padrino ». Comment ne pas rêver quelque peu en terrasse avec de bonnes « pastas » et une « sambuca » ou tout simplement en dégustant une bonne granita sicilienne au citron en regardant les gens du village évoluer à leur rythme, celui du soleil et de l’air du temps.

 

Non loin de là, Forza d’Agro fait partie aussi de l’escapade, Coppola y trouva encore des lieux intéressants pour la suite de son long métrage. En arrivant au pied de l’église – peut-être était-ce un hasard – l’Ave Maria de Gounod accueillit en grandes envolées le petit équipage vintage. L’heure de la sieste a sonné, ou ne va pas tarder. Les maisons ferment leurs portes, les volets s’entrebâillent et les bruits dans les ruelles s’estompent petit à petit ne laissant place qu’à la douce chaleur du soleil inévitablement bloqué sur le zénith. Se faufilant dans des ruelles juste assez larges pour elle, où personne d’autre que Giovanni n’oserait s’aventurer, voilà notre Fiat 500 toute contente de rejoindre Taormine, cette fois-ci le cœur du village historique sur les hauteurs, pour déposer ses passagers au Grand hôtel Timeo.

Dolce vita à Taormine, face à l’Etna…

Idéalement situé, le Timéo ouvre largement ses terrasses sur la mer, face à l’Etna. Sur la côte est de la Sicile, à peu près à mi-chemin entre Messine et Catane, sur le mont Tauro offrant un panorama à couper le souffle, avec son patrimoine historique, culturel et archéologique exceptionnel, sa station climatique de premier ordre bénéficiant d’un microclimat, Taormine ne pouvait être qu’une destination très prisée des amoureux d’Italie et de Méditerranée. Dominée par sa forteresse, elle est bien souvent qualifiée de « Saint-Tropez sicilien ». Au centre-ville, la rue principale est piétonne et dans toutes les ruelles médiévales qui s’en échappent, on découvre de splendides points de vue ou des vestiges de la ville antique, comme le théâtre grec, le tout dans une atmosphère intense de calme et de sérénité. De ce petit paradis, il est très facile de s’aventurer vers les sites touristiques avoisinants : les incroyables gorges d’Al Cantara, le ravissant village médiéval de Castelmola, la réserve de l’Isola Bella, les grottes du Capo Sant Andrea et bien sûr l’Etna, le volcan le plus haut d’Europe demeurant plus que jamais l’un des plus actifs au monde. Décidément, la Sicile n’a pas fini de nous livrer tous ses secrets !