Propos recueillis par Vicky Dearden
Traduction : Alexandre Arditti

C’est l’une des dernières véritables stars d’Hollywood, révélée au temps où le cinéma savait encore magnifier ses icones, bien avant les réseaux sociaux et Netflix. La carrière de Tom Cruise est longue comme le bras, et loin des railleries qui ont émaillé son début de carrière, il a collectionné depuis près de quarante ans d’innombrables succès au box office et tourné avec les plus grands : Martin Scorsese (La Couleur de l’Argent), Oliver Stone (Né un 4 Juillet), Sydney Pollack (La Firme), Brian de Palma (Mission Impossible), Barry Levinson (Rain Man) Stanley Kubrick (Eyes Wide Shut), Paul Thomas Anderson (Magnolia), Michael Mann (Collateral), Steven Spielberg (Minority Report)… Et bien sûr l’éternel Top Gun, avec lequel il a accédé au statut de méga star internationale. Trente sept ans après le premier opus, Top Gun 2 « Maverick », repoussé pour cause de pandémie, est finalement sorti sur les écrans il y a quelques semaines, pour le plus grand bonheur des aficionados de la première heure. Un film à grand spectacle empreint d’une certaine nostalgie, à l’heure où le monde traverse une série de crises qui lui font regretter l’insolente insouciance années 80. L’occasion pour le « boss » de revenir sur les coulisses et l’aura de ces deux films, alors qu’il vient juste de passer le cap de la soixantaine. Pour Voyages & Hôtels de Rêve, Tom Cruise se raconte et nous apprend qu’outre le cinéma, il a aussi le voyage dans la peau. Entretien avec une légende. A.A.

Ca y est, la suite de Top Gun, le film qui a changé votre vie, est enfin sortie au cinéma, trente sept ans après…

Tom Cruise: En effet, il était temps, c’était maintenant ou jamais ! Nous avons longtemps réfléchi sur la manière de raconter la suite de cette histoire, si longtemps après. Je me demandais ce que pourraient nous apporter les nouvelles technologies par rapport au premier film, et ce que nous pourrions offrir au public en terme d’expérience cinématographique, car c’est ce que nous avions déjà fait en 1985 avec des prises de vue aériennes révolutionnaires pour l’époque. Nous savions que de nombreux fans, partout dans le monde, attendaient cette suite.

Au-delà des aspects techniques et des effets spéciaux impressionnants, le film joue un peu aux montagnes russes émotionnelles…

T.C. Eh bien, si vous vous souvenez, c’était déjà le cas dans le premier, et selon moi c’est ce qui rendait le film intéressant. Tout le monde se souvient de Top Gun comme d’un divertissement, un grand spectacle qui a marqué le public et traversé plusieurs générations. C’est d’ailleurs une chose que je n’aurais jamais pu imaginer à l’époque. Je me rendais bien compte que nous faisons un film spécial mais personne ne peut jamais prédire comment le public accueillera une histoire. Mais au-delà de cet aspect, il ne faut pas oublier que le premier film est basé un drame originel, et même sur plusieurs drames au cours du film, incarnés et transcendés par des personnages très forts. Il n’est pas question que d’action ou de cascades : c’est un procédé narratif que j’aime.

« Top Gun est vu comme un divertissement, mais c’est aussi l’histoire d’un drame qui a traversé les générations… »

Ça a du être un grand moment d’émotion de vous remettre dans la peau de Pete Mitchell, alias « Maverick » après tant d’années… Remettre votre blouson d’aviateur, remonter sur cette moto…

T.C. Des moments d’émotion, il y en a eu beaucoup… Jerry (Bruckheimer, producteur des deux films, Ndlr) et moi nous sommes d’abord retrouvés pour la première fois ensemble pour regarder le premier Top Gun. Nous ne l’avions pas revu depuis des décennies ! Au moment du tournage, sur le plateau, tout le monde me posait cette même question : « Qu’est-ce que ça te fait de reprendre ce rôle ? ». Mais ce qui est beau lorsque l’on fait un film quel qu’il soit, c’est que ce n’est pas « moi » qui importe, c’est nous tous ensemble, c’est une équipe, une accumulation de talents. On s’est demandé comment faire pour retrouver la magie. Nous avons fait le film pour le public donc si nous y sommes arrivés, nous serons vraiment heureux.

Comment votre personnage « Maverick » a-t-il évolué en presque quatre décennies ?

T.C. Vous savez, Maverick sera toujours Maverick. A la fin du premier film, il apprend à être ailier dans l’escadrille, à jouer collectif. Mais c’est toujours un ambitieux, un leader, il ne peut tout simplement pas s’en empêcher.

Les attentes autour de ce film ont été particulièrement fortes…

T.C. C’était déjà assez fou la première fois, mais vous avez raison, cette fois-ci, ça a été encore plus fort car cela faisait 37 ans que les gens attendaient. Pour ne rien arranger, la date de sortie du film a été repoussée plusieurs fois à cause de la pandémie. C’est clairement un film conçu pour le grand écran tant au niveau des images que du son, et il aurait été inenvisageable de se priver des projections en salle. C’est pourquoi nous avons tenu bon malgré toutes les difficultés. Le fait que le public ait été au rendez-vous et soit aussi enthousiaste est un vrai cadeau.

Le premier film fut emblématique d’une époque, avec de nombreuses scènes devenues culte…

T.C. : C’est vrai et dans un sens, c’était forcément un peu intimidant. Depuis tout ce temps, je me suis souvent demandé quel scénario nous pourrions imaginer pour poursuivre cette histoire, comment nous pourrions être à la hauteur… C’était un énorme défi, mais c’est aussi ce qui me plaît dans le cinéma. Nous avons particulièrement attentifs aux aspects techniques et technologiques pour les scènes en plein ciel. Il était important que tout le monde soit impliqué et comprenne bien ce que l’on voulait faire en terme cinématographique. Quel résultat on souhaitait obtenir. Ainsi, lorsque nous avons engagé les acteurs (Tom Cruise est aussi coproducteur du film, Ndlr), il a fallu leur apprendre à devenir pilotes, mais aussi apprendre aux pilotes à devenir cinéastes, leur expliquer le montage, l’éclairage, le cadre… Parce qu’une fois que vous êtes dans un F-18, vous devez déjà savoir quels plans vont le mieux fonctionner, comment les acteurs doivent se comporter avec la caméra… Nous avons fait beaucoup d’essais avant le tournage, rencontré d’innombrables problèmes et aussi commis beaucoup d’erreurs afin que le jour J, tout le monde se sente confiant et prêt à donner le meilleur.

« J’ai grandi en voulant devenir aviateur… »

 Lady Gaga s’est impliquée dans la bande originale du film, pourquoi avoir fait appel à elle ?

T.C. Dieu sait que dans l’aventure Top Gun, la musique est essentielle. Je l’admire tellement. C’est une artiste incroyable, j’ai toujours apprécié son travail. Elle peut jouer, elle peut composer, elle peut faire du jazz ou de la pop. Elle s’est beaucoup impliquée sur cet aspect du film, c’est un peu comme si elle était notre ange gardien.

Avec Top Gun, vous avez contribué à la légende de la marine américaine, mais elle aussi vous a beaucoup épaulé sur les deux films…

T.C. Plus que ça, je leur dois tout, et je tiens à les remercier. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de devenir le 38ème civil à être distingué « Aviateur Naval Honoraire ». J’ai été très touché, d’autant que l’école Top Gun m’a également attribué une plaque que seuls les pilotes diplômés obtiennent. Cela signifie beaucoup pour moi car j’ai grandi en voulant devenir aviateur. D’un côté, je voulais faire des films, mais je voulais aussi voler. Je me souviens que dès l’âge de quatre ans, je m’asseyais sur mon lit pour contempler les photos de P-51 et de Spitfire accrochées sur mon mur. Je rêvais de films, d’histoires d’aviateurs… En ce sens, Top Gun est mon plus grand voyage !

Vous qui êtes souvent aux quatre coins du monde en tournage ou en promotion, que faîtes-vous quand vous avez du temps pour vous, que vous ne travaillez pas ?

T.C. Exactement ce que je fais en ce moment ! (rires) C’est un jour de repos pour moi car je ne tourne pas. Vous savez, j’ai de la chance, beaucoup de chance, je vis mon rêve. Depuis que je suis enfant, je voulais faire du cinéma et voyager. J’ai passé ma vie sur des plateaux de cinéma et à parcourir la planète, et c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Je voulais connaître le monde, rencontrer différentes cultures et vivre des expériences à fond. Ce n’est donc pas du travail, c’est un rêve !

©Voyages & Hôtels de Rêve / Vicky Dearden / The Interview People